Opinion : Pourquoi l'apparence n'est pas tout dans le monde du whisky
Accueil » Opinion : Pourquoi l’apparence n’est pas tout dans le monde du whisky

Opinion : Pourquoi l’apparence n’est pas tout dans le monde du whisky

Dans le commerce des spiritueux, et peut-être surtout du whisky, on fait beaucoup de bruit autour du récipient dans lequel les boissons sont servies et consommées. Ce numéro de présentation va de la verrerie de dégustation appropriée (dont nous avons parlé dans le numéro 185 de ce magazine), au croustillant d’un gobelet en cristal taillé et à la pente élégante d’un highball.

Pour certains, le récipient est moins important que la boisson elle-même. Le nième degré de cette approche consiste peut-être à siroter une boisson à la maison dans une tasse au lieu d’un verre propre (allez, je sais que je ne suis pas la seule personne à avoir utilisé cette tactique dans un moment plus sombre). Pour d’autres, le choix du contenant est un élément clé de l’expérience de consommation – non seulement pour son objectif inhérent, mais en tant que symbole d’expertise, de style ou même de statut. Pour d’autres encore, la synchronicité de la boisson et du récipient, pour présenter chacun à son apogée, sera primordiale.

Cependant, il existe un récipient de présentation pour le whisky qui ne remportera probablement jamais de concours de beauté : l’humble cask. Bien qu’il puisse y avoir quelque chose d’attirant dans le dynamisme d’un fût de chêne vierge, la dureté des douelles fraîchement carbonisées ou les tons sourds d’un mégot endormi, pour l’œil non averti qui s’attarde sur un entrepôt de fardage faiblement éclairé, ils ne sont guère plus que des conteneurs lumpen avec une teinte trouble et une odeur de moisi.
Le fût, sans faute de sa part, n’a pas l’esthétique agréable des autres récipients du processus de production de whisky qui sont souvent commentés par les aficionados aux yeux rosés : le reflet croustillant d’une cuve de brassage en acier inoxydable ; la majesté tranquille d’un lavage de pin; un alambic en cuivre étincelant qui résume en quelque sorte à la fois la modernité et la nostalgie de la fabrication du whisky.

Mais j’aimerais souligner la beauté discrète du fût. Bien que la décision de stocker le whisky dans des fûts en bois soit née d’un pragmatisme autant qu’autre chose, ils incarnent un romantisme qui rivalise avec celui attribué aux autres étapes du parcours de fabrication du whisky. De plus, l’omniprésence des fûts dans le transport mondial des boissons alcoolisées donne aux distillateurs une myriade de saveurs avec lesquelles jouer. Il évoque l’image d’une gigantesque armoire à épices, à partir de laquelle les distillateurs et les mélangeurs peuvent choisir des ingrédients et élaborer une recette qui complète le caractère de leur nouvelle marque. Qu’est-ce qui n’est pas romantique et beau là-dedans ?

Il faut aussi prendre un moment pour apprécier l’art – et je crois que c’est un art – de la tonnellerie. Comme pour la distillation du whisky, cette vocation a de la beauté non seulement dans sa précision mais aussi dans l’instinct que l’on peut observer chez ses praticiens les plus talentueux et les plus anciens.

Une statistique relative aux fûts qui me fascine est que 90 % de tous les fûts utilisés dans la maturation du whisky écossais sont d’anciens fûts de bourbon. Si l’on tient compte des quelque 7 ou 8 % apportés par les fûts ex-sherry ou assaisonnés au sherry, cela laisse à peine un fût sur 40 libre pour l’expérimentation. Mais dans ces quelques pour cent, nous voyons tant d’imagination : des finitions en fût de vin plus inhabituelles telles que Tokaji (Glenmorangie’s Tale of Cake), Amarone (Arran Single Malt) et porto blanc (employé par Angus Dundee’s Tomintoul et Glencadam), à Tequila et mezcal (Kilchoman a utilisé les deux) et fûts de bière (Glenfiddich’s IPA Experiment ou Deanston’s Dragon’s Milk stout cask-fined single malt).

C’est juste du whisky écossais. Qu’en est-il du whisky mûri en fût de vin de mûre produit à la distillerie Stillhead au Canada, ou du whisky japonais Togouchi fini en fûts de saké ? Et nous n’avons même pas commencé à parler des distillateurs qui utilisent différentes variétés de bois spécifiquement pour exploiter leurs saveurs, comme Westland Distillery dans le nord-ouest du Pacifique des États-Unis (dont les single malts Garryana utilisent des fûts sur mesure fabriqués à partir de chêne garryana local) ou Woodford Reserve ( qui a utilisé du bois de cerisier dans sa Master’s Collection).

Les fûts de whisky sont un exemple capital de l’adage souvent répété selon lequel c’est ce qu’il y a à l’intérieur qui compte. Ces bâtons patinés pourraient cacher un beau whisky – un whisky qui contient une corne d’abondance vibrante de saveurs et inspire un éventail d’émotions qui contrastent fortement et humblement avec l’extérieur sans prétention.